Lettre de licenciement : des faits non datés peuvent suffire
- Maître COHUET
- 19 mai
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Dernière mise à jour : 20 mai
Cass. soc, 6 mai 2025, n° 23-19.214
Résumé de l'affaire
Par un arrêt en date du 6 mai 2025, la Cour de cassation est venue casser une décision de la cour d’appel de Bourges ayant jugé un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les faits reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement n’étaient pas datés ni suffisamment circonstanciés.
La haute juridiction rappelle, avec fermeté, que la datation des faits n’est pas exigée, dès lors que les griefs sont précis et matériellement vérifiables, et que l’employeur peut ensuite les compléter en justice pour les démontrer.
Analyse des faits
La salariée collaboratrice d’agence, a été licenciée pour faute grave en juin 2020 par une société d'assurances.
La lettre de licenciement mentionnait plusieurs griefs : d'avoir dénigré régulièrement la société et son gérant, d'avoir demandé à l'une de ses collègues de mentir sur son heure d'arrivée au travail, d'avoir contesté régulièrement avec agressivité les décisions prises par son employeur, notamment lorsqu'elle avait été placée en chômage partiel et n'avait pas participé à une formation, de s'être à ces occasions violemment emportée et d'avoir adopté un comportement agressif et contestataire.
La cour d’appel avait considéré que ces griefs, rédigés en termes "vagues" et non datés, ne permettaient pas de vérifier leur matérialité, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Analyse juridique
La Cour de cassation casse logiquement l’arrêt d’appel. Elle rappelle les principes suivants :
L’article L1232-6 du code du travail impose à l’employeur d’énoncer dans la lettre de licenciement les motifs du licenciement ;
Aucune obligation de dater les faits n’est imposée par le texte ;
Les motifs doivent être précis et matériellement vérifiables ;
En cas de contestation, l’employeur peut compléter ses arguments devant le juge, en apportant tous les éléments factuels utiles à la justification du licenciement ;
L'appréciation du caractère réel et sérieux du licenciement reste du ressort souverain des juges du fond, mais leur pouvoir est encadré.
Dans ce dossier, la lettre de licenciement mentionnait des griefs, bien que non datés, précis et matériellement vérifiables.
La Cour sanctionne ainsi la cour d’appel pour ne pas avoir tenu compte des éléments avancés au stade judiciaire, et pour avoir considéré à tort que l’absence de datation suffisait à évacuer le débat sur la véracité des faits.
Une décision pragmatique et équilibrée au bénéfice des employeurs
Cet arrêt constitue une clarification bienvenue dans un domaine où les employeurs sont parfois sanctionnés pour des imprécisions formelles dans la lettre de licenciement.
Ce qu’il faut retenir :
La lettre de licenciement n’a pas à comporter tous les détails, tant qu’elle énonce les griefs de manière identifiable et vérifiable ;
Des faits non datés peuvent suffire ;
En cas de litige, l’employeur peut développer et prouver les faits devant le juge, même si tous les éléments ne figurent pas initialement dans la lettre, tant que les grief y sont mentionnés.
Cela ne dispense évidemment pas les employeurs de rédiger avec sérieux et rigueur les lettres de licenciement. Mais cette décision réduit le formalisme excessif imposé par certaines juridictions du fond et replace le débat sur le terrain de la réalité des faits reprochés.
En conclusion
L’arrêt du 6 mai 2025 confirme la marge de manœuvre procédurale des employeurs sans pour autant vider l’exigence de motivation de sa substance.
Il rappelle aussi que le contentieux du licenciement ne doit pas se résumer à une analyse formaliste de la lettre, mais à une véritable recherche de la véracité des faits.
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