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La Cour de cassation préserve les règles de compétence au détriment des délais de jugement anormalement longs

Photo du rédacteur: Maître COHUETMaître COHUET

Dernière mise à jour : 24 oct. 2024

Cass. 2e civ., 3 octobre 2024, n° 22-14.853


En bref : Selon l’article R1412-1 du code du travail, la compétence des conseils de prud’hommes est exclusive et d’ordre public, et ne peut être écartée en raison d’une surcharge de travail de la juridiction, même si cela compromet le délai raisonnable de jugement prévu par l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.


Contexte de l'affaire

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée le 21 décembre 2018 et a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 22 janvier 2019 pour contester ce licenciement. La cour d’appel de Versailles a ensuite déclaré ce conseil incompétent, estimant que la compétence territoriale relevait du conseil de prud’hommes de Nanterre, compétent en raison du lieu d'exécution du contrat de travail.


La salariée a formé un pourvoi en cassation, soutenant que la décision de la cour d’appel constituait un déni de justice, compte tenu des délais anormaux de traitement des affaires au conseil de prud’hommes de Nanterre.


Les arguments formulés ont du sens. La salariée rappelle d'abord que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme : « les conflits du travail portant sur des points qui sont d'une importance capitale pour la situation professionnelle d'une personne, doivent être résolus avec une célérité particulière » puis que :


  • en imposant la saisine de la juridiction territorialement compétente au motif qu'il ne peut être retenu l'existence d'un délai déraisonnable au stade de la saisine du conseil, les délais de traitement des procédures dépendant de nombreux paramètres évolutifs, quand il est avéré que les dysfonctionnements structurels caractérisés du conseil de prud'homme de Nanterre font obstacle au jugement de l'affaire de l'exposante avec la célérité particulière exigée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6, § 1, de de la Convention européenne des droits de l'homme ;


  • qu'en imposant la saisine de la juridiction territorialement compétente au motif qu'il ne peut être retenu l'existence d'un délai déraisonnable au stade de la saisine du conseil, les délais de traitement des procédures dépendant de nombreux paramètres évolutifs, quand il est avéré que les dysfonctionnements structurels caractérisés du conseil de prud'homme de Nanterre font obstacle au jugement de l'affaire de l'exposante avec la célérité particulière exigée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6, § 1, de de la Convention européenne des droits de l'homme ;


  • qu'en retenant que l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne permet pas d'écarter les dispositions d'ordre public fixant les règles de compétence territoriale en matière prud'homale, tout en constatant, par motif adopté, que plusieurs dizaines de dossiers de Nanterre avaient été déportés dans les autres conseils de prud'hommes du ressort de la cour de Versailles afin de rétablir une bonne administration de la justice du travail, ce dont il se déduit que la nécessité de respecter un délai raisonnable de jugement permet d'écarter l'application des dispositions de l'article R 1412-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6, § 1, de de la Convention européenne des droits de l'homme.


La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, confirmant la décision de la cour d’appel sur plusieurs points :


  • l’article R1412-1 du code du travail établit des règles de compétence qui sont exclusives et d’ordre public. Les parties ne peuvent donc pas choisir de contester la compétence d’un conseil de prud’hommes sur la base de la surcharge alléguée de cette juridiction ;


  • l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit un procès équitable qui inclut le droit à un jugement dans un délai raisonnable ne permet pas de contourner les règles de compétence territoriale des juridictions prud’homales.


Conclusion

L'on voit clairement la paradoxe du système judiciaire français qui applique des règles venant sanctionner une partie, qui, par son action, n'a fait que pallier la carence de l'Etat français dans l'application des règles européennes...


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